Nous avons eu l’occasion d’exprimer au sortir des européennes une grande satisfaction, avec notre tête de liste Raphael Glucksmann et l’accord Place Publique – Parti socialiste, nous avons désormais treize socialistes et Place Publique français au Parlement européen. Nous avons incarné un nouvel espoir à gauche, celui d’une gauche social-démocrate qui a affirmé des positions claires sur les différents sujets européens.
Nous avons ensuite abordé la séquence des élections législatives après la dissolution express et surprise du Président de la République qui a plongé le pays dans le désarroi, nous amenant dans une situation d’extrême difficulté, de fragilité et d’une grande complexité pour les formations politiques. Nous avons ressenti une satisfaction au soir du résultat des élections législatives, d’abord le Rassemblement national n’a pas obtenu de majorité. Nous avons vécu trois semaines difficiles pendant lesquelles le nombre de sièges annoncé pour le RN ne cessait de progresser. A l’issue du scrutin, un bémol : les dix millions d’électeurs qu’a pu rassembler le Rassemblement national avec des votes d’adhésion qui vont peser dans l’histoire de notre pays. Nous sommes arrivés en tête avec le Nouveau Front Populaire ; cela a engagé une nouvelle responsabilité, nous n’étions pas majoritaires, même si le 7 juillet au soir nous étions devant, nous ne pouvions pas annoncer, comme le fait Jean-Luc Mélenchon peu après 20h, « nous avons gagné et seul le programme du Nouveau Front Populaire s’appliquera dans sa pureté ».
Si les grandes lignes sont écrites, il reste encore à les transformer en capacité de gouverner.
Nous avons eu un moment où nous nous sommes dit que nous voulions gouverner. Dès le 8 juillet nous décidons collectivement qu’il faut nous mettre en capacité de gouverner et qu’Olivier Faure doit être notre candidat à la fonction de Premier Ministre. Je l’ai moi-même demandé. Les socialistes, que cela plaise ou non, sont ceux qui rassurent le plus car nous avons gouverné, nous gérons des collectivités territoriales de tailles et d’importances diverses dans tout le pays, dans un contexte où une partie de notre attelage inquiète avec LFI.
Je rappelle que c’est bien la direction nationale du parti qui, pendant les trois semaines de campagne n’a cessé d’assurer que Jean-Luc Mélenchon ne serait pas Premier Ministre, n’a cessé de tenter de limiter ses prises de paroles, ce qui a été difficile car il a beaucoup occupé le terrain. Demander Olivier Faure Premier Ministre c’est envoyer un signal, le signal que la Gauche peut revenir au pouvoir, dans des conditions difficiles mais qu’elle aura la capacité de trouver des majorités.
Nous nous sommes retrouvés dans une séquence stratégique, qui était, de ce que j’avais compris, que nous nous mettions en capacité de trouver les moyens de gérer le pays et mettre tout le monde face à ses responsabilités, et le Président de la République et les formations politiques qui le soutiennent. Mais au lieu de cela, nous sommes arrivés dans une course aux noms successifs que la direction nationale est allée chercher dans les diverses strates de la société civile, accréditant l’idée selon laquelle les formations politiques n’avaient pas de ressources. Des noms de femmes sont devenus une instrumentalisation en se disant qu’on ne pourrait pas dire non car c’est une femme. Or le sujet, nous qui avons fait la loi sur la parité, c’est que les femmes et les hommes sont des êtres politiques à l’identique, c’est-à-dire en capacité de gouverner.
Nous nous sommes abimés dans cette course aux noms, sans travailler les contenus sur lesquels nous allions trouver des formes d’accords et des majorités sur des textes. Nous sommes dans une impasse, et le pays mérite mieux de nous que des tactiques. Nous devons clarifier si oui ou non nous avons envie de gouverner. Penser que, de toutes façons, Emmanuel Macron va le refuser et que nous pourrons dire après que ce n’est pas bien car il a refusé, ce n’est pas à la hauteur du moment que nous vivons.
Notre sujet n’est pas de « coincer » Emmanuel Macron, il a prouvé à tout le pays son irresponsabilité et le fait qu’il n’avait pas de solution de sortie de crise. Notre sujet, ce n’est pas d’être comme Jean-Luc Mélenchon qui veut entrainer le désordre dans le pays. Les bras m’en sont tombés quand j’ai lu la pétition que nous lancions. Est-ce que nous soutenons les propos de Mathilde Panot, « soumission ou démission » ? Nous sommes prêts à entrer maintenant dans une séquence de l’élection présidentielle, après la démission éventuelle du Président de la République. Là je reprends ma casquette de maire, pensez-vous que c’est de cela dont nous avons besoin avec les citoyens, habitants de ma ville? Passer des mois à faire élire un nouveau Président de la République et ne régler dans ce temps aucun problème de logement, de santé, de sécurité?
Nous avons des habitants dans la détresse, qui vivent dans la frayeur et qui finiront, peut être à la fin, par donner cette majorité que réclamait Jordan Bardella pendant trois semaines, parce que nous sommes encore incapables d’aller aux responsabilités.
Gouverner c’est difficile, nous l’avons tous éprouvé, il y a des frustrations, des déceptions, des compromis à faire. Nous ne pouvons choisir le confort de la protestation, de la contestation et je vous le dis, ce ne sera pas la ligne que je suivrai.
Nous avons été d’une loyauté totale au parti. Vous le savez, la ligne sur laquelle le courant que j’ai construit a été bâtie, celle d’une affirmation du PS au congrès de Villeurbanne, au congrès de Marseille, celle d’une opposition à la NUPES et la nécessité de retravailler le corpus du Parti socialiste pour aller gagner des batailles, non pas tactiques mais sur les idées : parce que les Français se retrouveraient dans ce que l’on dit sur leur vie quotidienne, parce que nous avons une ligne claire en considérant que ne faire des accords qu’avec l’extrême gauche ne nous permettrait pas d’aller aux responsabilités. Aujourd’hui nous sommes au bout de cet exercice. Mais comme nous sommes loyaux et respectueux, nous n’avons rien dit publiquement pour ne pas gêner la direction nationale. Nous n’avons rien dit car nous ne voulions pas que le Rassemblement National arrive aux responsabilités et c’était notre responsabilité de tout faire pour lui faire barrage.
Aujourd’hui nous devons nous ré-accorder sur la ligne et nous devons trancher.
Pour conclure, nous devons redire si nous voulons être une Gauche de gouvernement, c’est-à-dire être en capacité de porter un projet et dire quelle majorité nous construisons à court terme. J’ai vu l’interview ce matin de Lucie Castet qui est une jeune femme brillante, je ne la connaissais pas. Nous voyons qu’elle a été bien formée dans une grande école de notre pays mais avez-vous vu la difficulté dans laquelle elle était pour répondre aux questions du journaliste qui était incisif ? Pourquoi ne pouvait-elle pas répondre, ni sur les athlètes israéliens, ni sur le nucléaire, ni sur l’abrogation de la loi sur les retraites (et si nous accepterons les voix du Rassemblement national ou pas) ? Elle ne peut pas répondre car nous n’avions pas clarifié nous-même ce que nous voulions. Est-ce que nous voulons être sur une ligne de protestation pour qu’Emmanuel Macron démissionne ou est-ce que nous voulons aller aux responsabilités et donc faire passer des textes et construire une ligne politique pour avoir des coalitions au Parlement et éviter des motions de censure ?
C’est dans ce cadre que je demande une convention au titre du texte d’orientation 1 – Debout les socialistes – pour clarifier la ligne.
La situation est totalement différente désormais, nous ne pouvons pas continuer avec un Parti socialiste qui est passé de la ligne de Raphael Glucksmann le 9 juin à la ligne de Jean-Luc Mélenchon le 25 juillet. Une ligne social-démocrate d’affirmation d’un certain nombre de valeurs, de projets, de convictions que nous allons changer les choses en nous mettant en situation d’être aux responsabilités plutôt qu’un mouvement protestataire qui fait de l’agit-prop dans la rue. Il faut que l’on décide ce que l’on veut porter et je demande solennellement cette convention, à l’automne, pour que nous tranchions.
Le moment est grave, notre responsabilité est immense car nous sommes les seuls dans l’histoire de la Gauche qui avons toujours retroussé nos manches, quand les temps étaient difficiles en disant que nous allions mener les batailles. Les batailles vont se mener en gérant, en gouvernant, en créant les conditions de le faire.
En espérant que cet appel que j’ai porté au nom du TO1 soit entendu, très largement par nos camarades, car nous sommes épuisés et effrayés pour les Français. Certains d’entre eux, nous les entendons, sont lassés, et nous ne pouvons pas contribuer, nous aussi, à ce que le Rassemblement national arrive au pouvoir car nous n’aurions pas pris nos responsabilités.
Je vous remercie.

