Perspectives socialistes. La France,République sociale, démocratique, laïque et métissée.
A l’heure où l’Europe est prise en étau, entre le bloc impérialiste de la Chine et de la Russie instrumentalisant l’histoire coloniale des peuples et les Etats-Unis sous la menace du retour de Donald Trump ; à l’heure où le conflit du Proche-Orient aggrave les fracturations sur notre continent, où les discours simplistes et trompeurs exploitent les inégalités entre territoires pour semer la division, les socialistes doivent pouvoir proposer un chemin vers l’internationalisme et la cohésion nationale.
En France, les quartiers populaires, les zones péri-urbaines et rurales sont les miroirs grossissants d’un des principaux maux dont souffrent l’Europe et la France. Un des maux qui nous ronge c’est la difficulté de la famille socialiste à opposer aux détracteurs de l’identité européenne et de la cohésion nationale, une véritable conscience collective dépassant les frontières territoriales, car nous sommes traversés par des questions existentielles : qui sommes-nous ? Quelle est notre identité ? Est-ce que l’expression vivre ensemble a encore du sens ? Ce mal qui nous ronge, c’est aussi cette certitude hélas trop souvent ancrée, que les socialistes ne peuvent trouver de solutions aux problèmes du quotidien.
Aujourd’hui, même les plus convaincus de l’universel doutent de notre capacité à faire société. Le mouvement des « gilets jaunes » a mis en exergue l’injustice territoriale : concentration des richesses dans les Métropoles, difficultés d’accès aux services publics, enclavement des quartiers, inégale couverture numérique, délaissement du périurbain et des campagnes… Une partie de nos concitoyens se sent abandonnée par la République, oubliée du roman national. Ces inégalités ont été révélées encore plus fortement par les crises sanitaire, sociale et économiques que nous avons traversées.
Aujourd’hui, la Gauche est en proie à une obsession métropolitaine qui, bien qu’alimentée par les collectivités que nous animons, a engendré des territoires d’exclusion et même nourri un mépris social au sein de nos propres rangs.
Il est donc impératif de rompre avec l’orthodoxie ultra-libérale, tout en embrassant pleinement notre héritage en tant que parti de gouvernement. Retrouver cette fierté, c’est se rappeler que nous sommes les dépositaires d’une histoire riche et ambitieuse, et être prêts à tracer une voie claire à travers les désordres du monde actuel. La fierté d’être socialiste, c’est savoir construire des espaces de compromis, comme nos élus locaux le font chaque jour, en gérant les collectivités avec responsabilité et en transformant concrètement la vie des citoyens.
Les socialistes ne peuvent se réfugier dans la facilité de la contestation sans s’engager pleinement. Ils doivent avoir le courage d’être eux-mêmes, d’accepter le risque de décevoir, de frustrer, pour réellement changer la vie des Français.
À l’heure où la démocratie est menacée par des régimes autoritaires et des mouvements populistes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, une force politique doit se dresser pour la défendre en assumant la responsabilité du pouvoir. Louis Mexandeau, ancien ministre de François Mitterrand, nous rappelait au congrès d’Aubervilliers que, récemment encore, nous avons négligé de célébrer la fierté d’être socialiste. « Aucun autre parti n’a apporté à la France autant de réformes sociales et sociétales positives ; nous sommes le parti des congés payés, des conventions collectives, mais aussi de l’abolition de la peine de mort et du mariage pour tous. »
Assumer des responsabilités et faire des compromis ne sont ni des faiblesses ni des insultes. Gouverner est une tâche ardue, marquée par des frustrations et des concessions inévitables. En prenant les rênes, nous nous exposons à des risques et à des désillusions inévitables. Les élus locaux vivent cela quotidiennement. Ils savent que refuser une demande peut engendrer une rancune tenace de la part de ceux que nous servons, et nous en faisons l’expérience chaque jour dans nos territoires. Pourtant, nous ne pouvons pas nous réfugier dans la facilité de la protestation ou de la contestation. Le diagnostic est clair, il est temps pour nous de prendre pleinement notre rôle et ne plus accepter celui de supplétif, comme l’ont fait avant nous des socialistes courageux capables de prendre des mesures fortes en faveur de l’intérêt général et à contre courant de l’opinion publique et d’une partie de leur camp.
En 1936, en pleine crise économique, Léon Blum, à la tête du Front populaire, a instauré les congés payés et la semaine de 40 heures malgré une forte résistance de la part d’une grande partie de l’opinion publique qui craignait que cela n’aggrave la situation économique. En 1954, Pierre Mendès France, a pris la décision de mettre fin à la guerre d’Indochine en signant les accords de Genève, malgré des français opposé à une classe politique largement opposées à ce qu’elles percevaient comme une capitulation. En 1988, Michel Rocard a instauré la Contribution sociale généralisée (CSG) face à l’impopularité de cette décision, estimant qu’elle était essentielle pour stabiliser le système de sécurité sociale. Et au delà de nos frontières, en 2005, alors que la majorité de l’opinion publique espagnole et les forces conservatrices du pays étaient opposées au mariage homosexuel, José Luis Zapatero a promulgué, en Espagne, une loi légalisant le mariage pour tous. Bien qu’il ait risqué de perdre des votes et de nuire à la position de son parti, il a choisi de poursuivre cette réforme par conviction.
Ces dirigeants ont assumé la responsabilité de prendre des mesures impopulaires, pleinement conscients que ces décisions pourraient compromettre leurs chances de réélection, ainsi que celles des membres de leurs partis, mais conscients également du fait que la légitimité d’une famille politique repose sur sa capacité à affronter les réalités, même lorsqu’elles sont impopulaires ou contraires aux intérêts immédiats de certains groupes. Il ne s’agit pas de faire preuve de cynisme détaché des valeurs, mais d’adopter une lucidité intransigeante face aux défis du monde, quitte à se confronter aux forces en place. Assumer la charge de gouverner avec intégrité implique d’être prêt à faire des choix difficiles, qui, bien que parfois sources d’impopularité, servent au mieux l’intérêt national à long terme. Cela nécessite d’accepter la complexité du monde, sans jamais sacrifier les principes au pragmatisme, mais en cherchant à harmoniser les deux dans une politique juste et efficace.
Les socialistes ont su proposer des solutions crédibles aux préoccupations des Français, face à une politique gouvernementale qui manque de justice sociale, face à la baisse du pouvoir d’achat, aux inégalités criantes, aux difficultés de logement. Nous avons les moyens de réaffirmer notre récit collectif et de montrer que nous pouvons encore mener la lutte contre les inégalités, offrir des réponses à ceux qui, faute de comprendre le monde, se tournent vers le populisme.
Cela commence par un retour sur les grandes dates de notre histoire. En 1789, la France a vu des hommes et des femmes proclamer que nous naissons libres et égaux en droits, défiant les idées reçues de l’époque. La lutte contre l’antisémitisme, incarnée par Jean Jaurès lors de l’affaire Dreyfus, est une part indissociable de notre histoire. L’abolition de la peine de mort sous Robert Badinter et François Mitterrand, le droit à l’IVG défendu par Gisèle Halimi, sont nos combats. De la reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité par Lionel Jospin et Christiane Taubira à la marche du 11 janvier avec François Hollande en réponse aux attentats, sans sombrer dans la guerre civile, nous avons toujours été les porteurs de cette promesse d’égalité, de liberté et de fraternité qui fonde notre République.
Pour retrouver notre voie, la Gauche doit redevenir celle des solutions, bien loin de l’incantation, et s’engager à gouverner pour améliorer le quotidien des plus modestes, en s’érigeant en rempart contre la montée de l’extrême droite en France et en Europe.
L’avenir du socialisme français repose sur un projet qui résonne profondément avec tous nos concitoyens, et qui embrasse chaque recoin de notre territoire. Nous devons être le parti qui redonne fierté aux classes populaires dans un projet de transformation sociale.
Personnes âgées, agriculteurs, ouvriers, employés, chômeurs, travailleurs précaires… un français sur trois subit une ségrégation incompatible avec le modèle républicain que nous prônons. Ce projet doit donc restaurer la confiance des citoyens, notamment ceux qui souffrent de la ségrégation territoriale, en instaurant un nouveau pacte démocratique avec les territoires, garantissant l’accès aux services de proximité et aux
soins pour tous. Nous devons rééquilibrer notre vision pour inclure toute la France des territoires.
Ce projet doit nous engager dans une politique volontariste, un véritable plan Marshall des territoires oubliés.
Les socialistes doivent aussi s’emparer de la question de la sécurité, première des inégalités, en proposant un pacte national entre les forces de l’ordre, la justice et les citoyens. Nos élus locaux travaillent en partenariat avec la police, indispensable pour garantir la sécurité publique et combler la fracture territoriale. Cependant, le Parti socialiste doit appeler à une transformation de l’intervention policière, en promouvant une « police de proximité » qui renforce la confiance entre la population et les forces de l’ordre.
L’éducation, au cœur de l’ADN socialiste, doit être refondée pour garantir la réussite et l’émancipation de tous les enfants, en réaffirmant les valeurs de méritocratie et d’excellence.
Sur la question migratoire, il est crucial de piloter cette politique pour en faire une chance pour le pays, surtout face aux défis climatiques à venir. La fermeture des frontières prônée par l’extrême droite est une illusion dangereuse.
Nous devons aussi accompagner la révolution féministe en cours, en faisant de l’égalité femmes-hommes une grande cause nationale. C’est le levier le plus puissant pour éradiquer les violences sexistes et sexuelles, et promouvoir une fiscalité plus juste. Etre socialiste, c’est porter la bataille contre les inégalités en répondant concrètement aux femmes qui souffrent le plus des conséquences des modèles archaïques.
La détérioration des conditions de travail ces dernières décennies exige de renouveler notre projet d’émancipation pour nos concitoyens. Cela passe par un rééquilibrage des profits en faveur des travailleurs, une augmentation du SMIC, le soutien aux travailleurs de plateformes, et un plan d’investissements publics pour créer des
emplois équitablement répartis sur tout le territoire national, tout en assurant la transition environnementale et en réindustrialisant notre pays.
La Gauche doit s’atteler à la création d’une croissance décarbonée, tout en réduisant les inégalités. Cela implique un soutien à l’agriculture biologique et une rénovation énergétique ambitieuse.
Instrument essentiel de la démocratie, un parti politique a la responsabilité de former les citoyens à la vie publique, de les sensibiliser aux enjeux nationaux et internationaux, et de les préparer à participer activement à la démocratie. Ainsi, la Gauche a la responsabilité de faire émerger une nouvelle génération de leaders issus des classes populaires, capables de défendre nos valeurs. La formation politique, soutenue par l’État, doit redevenir un pilier de la citoyenneté active. Elle doit se mettre au service de l’égalité réelle à travers le financement de programmes d’entrainement à la pratique politique, sur le modèle de programmes américains ayant porté au pouvoir une nouvelle génération d’activistes. Les partis politiques pourront ainsi, de nouveau, être vecteurs de sens pour les individus, à la condition de porter en eux, ces mécanismes de corrections des inégalités.
Il est essentiel de reconstruire une promesse républicaine, en luttant contre les discriminations et en défendant la laïcité contre son instrumentalisation par les populistes. Face à la tentation différentialiste, nous devons réaffirmer notre attachement à l’universalisme, tout en reconnaissant à la fois les histoires personnelles et les réparations nécessaire promues par un partage approfondi de l’Histoire de France, ses zones d’ombre et de lumière.
Une majorité de Français, apeurés face à la progression de l’extrême droite, nous a envoyé un message fort, celui du front républicain.
Quand le présent est incertain, quand la boussole a perdu le nord, alors, il faut se se redire les principes et être éclairés par le passé. « Les souvenirs sont nos forces. Quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates, comme on allume des flambeaux » disait Victor Hugo.
Il reste un long parcours à accomplir avant qu’un socialisme mûre, affranchi de ses excès et de ses tentations à la radicalité puisse prétendre retrouver la position à laquelle il doit aspirer : une gauche de l’utopie qui revendique le droit de croire en la capacité de l’État de réguler le marché et d’améliorer concrètement la vie des Français.
Nous sommes les seuls dans l’histoire de la Gauche qui avons toujours retroussé nos manches, quand les temps étaient difficiles en disant que nous allions mener les batailles. Les socialistes ont toujours cherché les leviers pour changer concrètement la vie des français. C’est pour cette raison qu’ils ont vocation à gouverner, ils sont les seuls capables d’apporter la stabilité au pays en cherchant des compromis.

