L’hôpital à bout de souffle – contribution thématique pour le 81ème congrès

CONTRIBUTION THÉMATIQUE DEPOSÉE PAR DEBOUT LES SOCIALISTE

Le premier signataire :

BLISKO Serge, fédération de Paris


L’état des lieux  

Le système de santé et notamment le système hospitalier subissent de  plein fouet une triple transition, démographique, épidémiologique et  technologique. 

1) La transition démographique 

Le système de santé et de soins est sous pression notamment en raison  de l’évolution sociologique et démographique avec des patients plus  âgés, plus nombreux et plus fragiles. En effet un changement majeur est  à l’œuvre avec le vieillissement de la population et la diminution des  naissances (678 000 naissances en 2023 soit 48 000 de moins qu’en  2022) et un indice de fécondité (1,67) au plus bas depuis l’après-guerre. En 2023 les moins de 20 ans représentent 23 % de la population, à  peine plus que les plus de 65 ans. 

En 2050, la France compterait 70 millions d’habitants (hypothèse  moyenne). Avec une population vieillissante, le nombre de décès  augmentera fortement et dépasserait vers 2045 le nombre de  naissances. Le solde migratoire de 100 000 entrées par an compenserait  ce déficit naturel. En 2050 un habitant sur trois aura plus de 60 ans . 

La pression de la demande de soins risque de s’amplifier et de se  conjuguer avec un manque d’effectifs soignants liés à la fois aux  difficultés de recrutement et aux conditions de travail rendant plus  difficile et plus délicat le respect des soins de haute qualité.

Ces données démographiques accompagnent une transition  épidémiologique. 

2 ) la transition épidémiologique 

 Le vieillissement de la population et le développement des maladies  chroniques liées à la sédentarité ou aux facteurs environnementaux,  telles le diabète, les maladies cardio-vasculaires, l’obésité et les  cancers, regroupés sous la dénomination d’Affections de Longue Durée  (ALD) par l’assurance-maladie concernent 20 % des assurés, soit près  de 14 millions de personnes et occasionnent 66 % des dépenses de  l’assurance-maladie. Elles sont et seront en constante augmentation   

Quant à l’espérance de vie souvent prise comme indicateur de  l’excellence du système de santé français, elle est en réalité complexe ;  elle a certes augmenté légèrement ces dernières années mais si  l’amélioration du système de santé et de l’efficience des soins sont une  des causes principales de cet allongement (80 ans pour les hommes et  près de 86 ans pour les femmes), il faut aussi tenir compte de  l’amélioration du logement, des conditions de travail, de l’alimentation,  de l’hygiène publique … 

En revanche l’indicateur le plus parlant est l‘espérance de vie en bonne  santé qui s’établit plus modestement en 2022 à 63,8 ans pour les  hommes et 65, 3 ans pour les femmes ; cet écart de 17 à 20 ans entre  ces deux « espérances de vie »est bien dû à l’augmentation des maladies  chroniques et témoigne de la nécessaire adaptation de notre système de  soins et également du besoin de développement de la prévention, très 

en retard dans notre pays. 

3 ) la transition technologique est porté par l’innovation et par les  incessants progrès en biologie, imagerie et pharmacologie qui  révolutionnent les soins et plus récemment par la chirurgie robotique et  le développement de l’intelligence artificielle. 

Face à ces évolutions on constate que le système de santé est à bout de souffle. 

La question de l’hôpital public doit s’envisager dans le cadre plus global  du système de santé, qui inclue les soins de ville, l’hospitalisation  privée et le secteur médico-social qui sont également en crise. En 1945, quand la Sécurité sociale fut créée au lendemain de la guerre  l’hôpital public bénéficia alors d’un financement pérenne grâce aux  cotisations versées par les salariés et les entreprises. L’hôpital devint un  grand service public ouvert à toutes les catégories de personnes et se  structura autour d’une triple mission de soins, de recherche et  d’enseignement. 

Pendant longtemps l’hôpital public a été le pivot du système de santé  mais l’évolution de la démographie médicale, les nouvelles attentes des  professionnels de la santé, la transformation de la médecine de ville,  l’évolution démographique et épidémiologique de la population ont  modifié le visage du système de santé tel qu’il fut conçu par le Conseil  National de la Résistance. 

Si des réformes profondes de financement ont été opérées, en  particulier celle de la tarification à l’activité, et de nombreuses réformes  de la gouvernance, aucune n’a permis de ralentir la dérive financière de 

l’hôpital public ces dix dernières années. 

Les hôpitaux croulent sous des déficits croissants . avec 115 milliards  d’euros de dépenses en 2022 le secteur hospitalier représente près de la  moitié (49 %) de la consommation des soins et des biens médicaux et  6,3 %, de la consommation finale des ménages. En 2022 le déficit des  hôpitaux publics a été de 1, 3 milliard d’euros, (versus un excédent  pour les cliniques privées de 627 millions d’euros). 

La FHF estime le déficit des hôpitaux publics entre 2,5 et 3 milliards  d’euros pour l’année 2024 et ce malgré une augmentation de l’activité  estimée à 4 %. La baisse du nombre de lits s’accentue depuis une  vingtaine d’années ; en effet les séjours en hospitalisation complète  diminuent pendant qu’augmente l’hospitalisation partielle (sans nuitée).  Les innovations en matière de technologies médicales et de traitement  médicamenteux ont rendu possible ce virage ambulatoire mais de  nombreux lits sont fermés par manque de personnel : ainsi l’Assistance  Publique-Hôpitaux de Paris comptait 21 % de lits fermés en 2022 dont  70 % par manque de personnel. 

En effet, dans une fonction publique hospitalière qui compte 1 200 000  agents, les effectifs salariés hospitaliers ne progressent plus dans le  secteur public. 98 % des hôpitaux connaissent des tensions sur le  recrutement dans au moins une spécialité médicale, malgré les mesures  de revalorisation du « Ségur de la Santé». Ce qui se traduit par une  augmentation du recours aux contractuels sur les deux dernières  décennies ; l’organisation du temps de travail dans les établissements  de santé et les recrutements de contractuels, sources de tensions  quotidiennes, contribuent à l’augmentation du déficit d’attractivité

particulièrement chez les médecins, les aides-soignants et les infirmiers  et aussi chez d’autres catégories de personnel comme les  kinésithérapeutes ou les orthophonistes. Un poste sur trois de praticien  hospitalier n’est pas pourvu et cette situation préoccupante explique le  recours à des contractuels à diplôme étranger dans de nombreux  hôpitaux périphériques. 

Face à ces difficultés, il faut tracer de nouvelles pistes et  propositions

1) d’abord développer la prévention, parent pauvre de la médecine et du  système de santé, car elle est l’un des moyens de freiner les dépenses et  d’améliorer l’espérance de vie en bonne santé. 

2) réorganiser la médecine de ville car le modèle du médecin  généraliste disponible en permanence n’a plus cours. Il convient donc  de réorganiser la médecine de ville en tenant compte des évolutions  sociologique de la profession et des attentes des patients avec le souci  de mailler le territoire pour pallier ce qu’il est convenu d’appeler les  déserts médicaux… 

Les nombreux efforts mis en œuvre ces dernières années pour lutter  contre les déserts médicaux en particulier par les collectivités locales  qui ont financé largement centres de santé et maisons médicales de  garde n’ont pas vraiment amélioré la situation et cela nécessitera de  passer à des obligations lors de l’installation. 

De même, la suppression de l’obligation de garde pour la médecine  libérale en 2006 a drainé de plus en plus de patients vers les urgences  hospitalières faute d’accès à un médecin traitant. Par exemple entre  1996 et 2019 le nombre de passages aux urgences a plus que doublé. La  crise des urgences et le manque de lits d’hospitalisation en aval des  urgences contribuent encore plus à mettre l’hôpital sous tension.  L’hôpital ne peut pas tout faire et doit être repensé comme l’un des  maillons d’une chaîne incluant professionnels de ville, structures  médico-sociales ou établissements privés à l’échelle d’un territoire. 

3) réformer le financement et en finir avec le sous-financement : l’approfondissement des déficits année après année pèse sur la capacité  d’investissement et nuit à l’image de l’hospitalisation publique. La politique de rabot budgétaire opérée depuis les années 2010 couplée  à la tarification à l’activité, sans prise en compte des spécificités liées à  l’exercice des missions de service public et des populations accueillies a  eu des conséquences néfastes. La tarification à l’activité (TAA) a  montré ses limites : rappelons que le coût d’une journée  d’hospitalisation complète est très élevé 1300 euros en médecine, 1700  euros en spécialité et 3000 euros en réanimation, en raison la présence  d’un personnel hautement qualifié, d’équipements de pointe, de  médicaments coûteux et de techniques sophistiquées. La TAA doit être  complétée d’une dotation populationnelle liée aux besoins de santé  identifiés pour un territoire et sa population, et par un financement à la  qualité, encore marginal. 

En effet, le financement doit être pensé à l’aune des populations prises 

en charge, notamment dans les secteurs des soins de réadaptation, des  urgences et de la psychiatrie à partir des nombreuses data dont dispose  l’assurance-maladie mais qui ne sont pas mises à disposition des  professionnels ou des établissements de santé et qui devraient faire  l’objet de diagnostic partagé sur un territoire. 

4) renforcer l’attractivité du travail à l’hôpital en tenant compte des  attentes des nouveaux entrants souvent désabusés par la réalité de  l’activité hospitalière, son organisation, et par sa hiérarchie pesante. Il  est nécessaire de renforcer la délégation des tâches et de sortir d’une  vision purement technique du soin; en effet la plupart des  professionnels qui quittent l’hôpital aujourd’hui ne le font pas pour des  questions financières mais parce qu’ils n’arrivent pas à concilier  technicité, qualité, sécurité et temps passé avec les patients. 

5 ) le défi du vieillissement de la population entraine une double  préoccupation : d’une part la solidarité nationale doit se donner les  moyens d’accompagner ce vieillissement et de financer les retraites, les  soins et la dépendance, d’autre part elle doit mettre en place des  politiques publiques qui permettront de favoriser l’espérance de vie en  bonne santé. 

6 ) repenser l’offre de soins territoriale : il existe près de 3000  établissements publics et privés de santé en France. 

Les CHU situés dans les grandes métropoles concentrent personnels  hautement qualifiés, nouvelles technologies et équipements médicaux 

de pointe. Ils offrent des soins de qualité dans un contexte difficile de  recrutement et d’investissement mais au-delà de ces CHU, la question  du nombre d’établissements de santé doit être posée même si l’on  connaît la forte sensibilité des élus locaux et de la population sur cette  question car il n’est pas évident de concilier proximité, sécurité et  qualité des soins égalitaires en tous points du territoire . L’organisation  territoriale doit donc être repensée : de ce point de vue les groupement  hospitaliers de territoire pourraient être renforcés dans leur mission de  prise en charge de l’organisation territoriale de la santé en lien avec les  CPTS de façon à assurer une gradation des soins permettant une  meilleure pertinence et un meilleur parcours pour les patients . Ce  mouvement s’opère dans de nombreux territoires grâce à  l’investissement des professionnels de santé mais cet engagement est  aujourd’hui trop dépendant des collectifs de professionnels et de leur  capacité à se coordonner dans des temps très contraints et avec des  faibles marges de manœuvre sur la densité de l’offre de soins. 

7 ) promouvoir une ambitieuse politique d’amélioration de la pertinence  des soins. 

 La culture de la pertinence doit être renforcée au sein des  établissements et dans la formation des professionnels de santé. La  pertinence c’est le « juste soin au bon patient, au bon moment », qu’il  s’agisse de prescriptions médicamenteuses ou d’examens d’imagerie,  des actes non pertinents moins nombreux représentent un grand  gisement d’économies encore insuffisamment exploité .