
Vaulx-en-Velin, le 23 novembre 2022

Objet : réponse au questionnaire de la Contribution Générale « Pour Christine et toutes les autres »
Chères camarades,
Nous sommes toutes et tous extrêmement sensibles à la Révolution féministe en cours, il faut pouvoir l’accompagner, lui donner toutes les chances de réussir. La triste actualité dans notre pays des violences et féminicides dont sont victimes les femmes, les tragédies qu’elles vivent dans le monde démontrent que les lois et les traités ne suffisent pas.
Nous pouvons toutes et tous, nous les socialistes, nous retrouver dans ce combat. Être socialiste, c’est être féministe. En effet dans sa déclaration de principe, le Parti Socialiste déclare « le Parti Socialiste est féministe ». Nous devons désormais aller vers un féminisme du réel qui transforme la vie quotidienne.
Les structures de notre société, malgré bon nombre de lois sur l’égalité femmes/hommes, sont encore fondées sur l’infériorisation des femmes par un système patriarcal qui irrigue encore trop notre société. Il est de notre responsabilité, nous, socialistes, de repenser complètement la place et le rôle de chacune et chacun, d’opérer une véritable révolution copernicienne, pour que le principe républicain d’Égalité ne soit pas un mot creux, mais vive pleinement.
Nous proposons d’ailleurs de faire de l’égalité Femme-Homme une grande cause nationale.
Nous avons évidemment lu avec attention votre questionnaire et nous partageons nombre de vos constats. Toutefois, nous n’avons pas toujours les mêmes réponses ou solutions. Afin de contribuer à la réflexion collective, nous tenions à partager dans ce courrier nos propositions pour une révolution féministe que vous pourrez retrouver dans notre motion.
Nous sommes d’accord avec le principe de valorisations des métiers féminins. Les salaires féminins restent encore inférieurs aux salaires masculins de l’ordre de 25%. Dans ce taux reste une part « inexpliquée » c’est-à-dire sans lien avec les diplômes, l’échelle des métiers, le temps de travail (temps plein/partiel). Le pays a découvert lors de la crise des gilets jaunes le nombre de femmes qui ont participé au mouvement et la précarité de leur situation. A son tour, la pandémie a mis en évidence que les femmes formaient le gros du bataillon des premières et premiers de corvée, que ce soient les caissières ou les métiers du soin. Au contraire de ce qui était apparu une urgence dès le retour à la vie normale, leur situation n’a pas (ou très peu) changé. La révision de la hiérarchie des métiers selon leur utilité sociale est un chantier socialiste s’il en est.
En revanche, nous comprenons moins bien le concept de fiscalité féministe.
Est-ce une fiscalité individuelle (et non de couple), et dans ce cas, la possibilité en est d’ores et déjà offerte. Si la plupart des couples ne choisissent pas cette option, c’est que l’entité fiscale qu’ils représentent ne trouve pas son intérêt. Cela peut révéler l’ampleur et la généralisation de l’écart des revenus entre hommes et femmes au sein des couples. Faut-il faire passer cette déclaration fiscale individuelle d’optionnelle à obligatoire ? Les esprits y sont-ils prêts ? Ne faut-il pas plutôt accorder d’abord la priorité à l’égalité des revenus entre femmes et hommes ?
En revanche, une grave injustice fiscale doit être réparée. Elle concerne la fiscalité des couples séparés. En effet, actuellement le membre du couple qui a la garde des enfants (en général la femme) doit déclarer dans ses revenus le montant de la pension alimentaire que son ex-conjoint lui verse comme contribution à l’entretien et l’éducation des enfants ; alors que, de son côté, le membre du couple (en général le père) qui verse cette pension peut la déduire de ses revenus !
Concernant la création d’un statut (avec des droits spécifiques) pour les familles monoparentales, il faut commencer par mettre fin aux stigmatisations institutionnelles dont elles sont les victimes et commencer par rectifier immédiatement les injustices actuelles, à commencer par :
- La fiscalité des pensions alimentaires
- Leur taux : actuellement, la pension alimentaire est calculée non sur les besoins de l’enfant mais sur la situation financière du parent payeur (l’homme en général), de manière à ce que son niveau de vie ne s’en trouve pas trop dégradé. Cette injustice doit être réparée.
Le principe d’égalité des congés de paternité/maternité est effectivement une idée intéressante. Cette égalité de temps de congé paternité/maternité peut contribuer à l’embauche des femmes ou tout au moins lever un obstacle à leur embauche.
En complément, nous sommes d’accord avec votre proposition d’instaurer un congé de cinq jours en cas d’avortement ou de fausse couche. Ce type de mesure doit notamment permettre de consolider et rendre intouchable le droit à l’avortement face aux offensives réactionnaires qui émergent un peu partout.
Concernant la parité en politique, il faut travailler, au sein du PS, à une répartition équitable des circonscriptions gagnantes, incertaines ou perdues, comme cela a été le cas, par le passé. De plus, nous ne pouvons accepter l’abandon de la systématisation des circonscriptions déclarées « femmes » quand le sortant ne se représente pas. Il n’est pas admissible enfin qu’un homme soit en définitive candidat sur une circonscription déclarée « femme ».
Concernant la formation des militantes, il n’est pas normal d’avoir à envisager de les « former ». Si elles n’obtiennent pas les places que leurs compétences leur doivent, c’est que le problème est autre. Il faut certes les former à prendre leur place, toute leur place, mais il faut surtout faire en sorte que les règles de la compétition interne soient équitables. Il faut également former tous les cadres du parti à la gestion « féministe » d’une réunion. Cela permettra d’une part aux femmes socialistes de monter en compétence et en visibilité, et, simultanément de contribuer à enrayer l’hémorragie de militantes socialistes.
Nous partageons la proposition de la parité des commissions électorales, c’est déjà le cas dans les statuts du Parti. Il faut donc les faire appliquer. Dans la pratique, la réalité est la difficulté pour les femmes d’être entendues et de faire valoir leur point de vue socialiste donc féministe dans ces instances.
Nous demandons un rapport annuel au CN et dans les fédérations sur les actions mises en œuvre pour faire progresser la parité.
Sur le plan électoral, nous proposons d’aller plus loin que votre proposition en changeant la loi en particulier pour les têtes de listes aux élections sénatoriales et régionales sur le modèle des cantonales
Nous restons sceptiques sur la question de la reconnaissance du travail domestique qui pourrait revenir sur la question du travail des femmes.
Il nous semble plus utile et efficace de travailler à éduquer les deux sexes au partage des tâches. C’est un travail en profondeur qui doit associer l’ensemble des acteurs éducatifs, parents (premières et premiers éducateurs de leurs enfants), enseignants, association d’éducation populaire pour sensibiliser et former à l’égalité réelle y compris au sein de la sphère domestique.
La cellule d’écoute interne qui peut permettre de libérer la parole des femmes si elle doit être consolidée, ne peut devenir une instance de justice interne quand des faits relèvent de la délinquance. Un groupe, quel qu’il soit, n’a pas à se substituer à la justice pour régler ou dénoncer des faits qui relèvent de la loi.
Nous partageons le principe qu’existent des congés menstruels, oui mais en fonction des situations individuelles. Toutes les femmes ne sont pas confrontées à la même problématique sur ce sujet qui doit être abordé sereinement. Il est en revanche nécessaire de soutenir et développer les politiques publiques mises en œuvre dans la démocratisation de l’accès aux produits périodiques (distributeurs dans les collèges par exemple…)
Il faut effectivement un milliard pour lutter contre les violences familiales
C’est la revendication des associations dédiées, et c’est bien évidemment un passage obligé. Il faut également engager une réelle éducation des filles et des garçons à l’égalité qui est la seule solution à long terme pour éradiquer les violences faites aux femmes, qu’elles soient domestiques, sexuelles ou sexistes.
Conscientes des reculs et des prises de conscience collectives nécessaires, y compris au sein de notre Parti, notre contribution propose aussi un certain nombre d’avancées :
- Accueillir, écouter, protéger, redonner les conditions de l’autonomie intellectuelle et financière aux femmes victimes de violences. Traiter les questions de prostitution.
- Sensibiliser toute la société, pour alerter à temps lors de conflits familiaux.
- Créer les conditions d’un réel accompagnement des enfants, lutter contre la reproduction des violences intrafamiliales. Lutter contre le silence face à l’inceste.
- Former les associations d’éducation populaire à lutter contre toutes formes de violences. Avoir une attention particulière sur la prostitution des jeunes mineurs.
- Renforcer de la crèche au lycée, l’éducation au respect et à l’égalité filles/garçons, femmes/hommes.
- Combattre dans les différents champs sociaux les stéréotypes de genre afin de déconstruire des modèles archaïques préjudiciables à toutes et tous.
- Créer en s’inspirant du modèle espagnol, une loi de protection intégrale contre les violences de genre, c’est à dire la mise en place d’un système global, sans failles.
- Lutter pour l’égalité femmes-hommes à travers la formation contre les violences sexuelles et sexistes, soutenir le réseau des référent.es et continuer par la mise en place d’un conseil qui confiera cette mission à des associations dédiées partenaires (FNSF, réseau du 3919 etc.).
- Œuvrer en faveur de l’égalité salariale, de l’orientation des jeunes femmes vers l’ensemble des filières. Renforcer le travail mené contre les « trappes à pauvreté » : en effet, « Les retraites moyennes des femmes sont égales à un peu plus de la moitié de celles des hommes dans le secteur privé, alors que dans la fonction publique, elles représentent en moyenne 80 % de celles des hommes. » (INED 2021) ; suite à un divorce, 20 % des femmes basculent dans la pauvreté contre 8 % des hommes (INED 2018). Il faut donc assurer l’égalité de salaires entre les femmes et les hommes.
- Permettre aux femmes qui élèvent seules leurs enfants d’avoir des temps de respirations en développant des outils leur permettant aussi de se recentrer sur elles- mêmes.
- Appliquer une stricte égalité de responsabilités dans le Parti. Au niveau du Parti : tendre vers une stricte égalité de responsabilités au plan national comme au plan fédéral, instaurer des règles de parité, y compris dans les commissions (électorales/conflits, etc…) et mieux faire vivre la parité.
Mes camarades, afin de nous améliorer collectivement, il nous semble essentiel de faire le bilan de la direction nationale sortante depuis le congrès d’Aubervilliers. Nous regrettons que les socialistes aient régressé en termes de parité lors des élections législatives. Nous avons constaté, avec beaucoup de tristesse que l’équipe de négociation des accords avec LFI en mai dernier n’était pas paritaire. Aucun travail de fond n’a été engagé pour s’assurer que dans toutes les fédérations et au niveau national les fonctions étaient réparties de façon égale.
Enfin, alors que la délégation aux droits des femmes du Parti a proposé un changement statutaire majeur au congrès de Villeurbanne en septembre 2021 permettant de créer une commission de lutte contre le harcèlement, les agissements sexistes et les discriminations, cette commission n’a été installée que plus d’un an après, à l’automne 2022, et ce, sans associer d’ailleurs les membres du TOA et notamment les femmes engagées qui ont contribué à porter cette réforme.
Espérant que notre congrès soit un congrès de vérité permettant aux socialistes d’être en capacité de transformer la société, je vous prie de recevoir, chères camarades, nos amitiés socialistes.